IV - TENDANCES AU NIVEAU DES CONTENUS

Les tendances générales décrites dans le III, suggèrent de manière naturelle quelques réformes au niveau des contenus des programmes scolaires qui se voient introduits avec plus ou moins d’élan parfois même de manière expérimentale.

A) Un glissement vers les mathématiques discrètes?

B) Impacts de méthodes modernes de calcul sur les contenus d’enseignement

C) Un retour vers la pensée géométrique et l’intuition spatiale

D) Domaine de la pensée aléatoire, probabilités et statistique










 
 
 

A / Un glissement vers les mathématiques discrètes?

Les mathématiques du XIXième et XXième siècles ont été dominées par le continu. L’analyse, par sa puissance et ses répercussions sur les applications techniques, a joué un rôle dominant. L'ordinateur semble modifier aujourdhui cette situation.

L’avènement des ordinateurs avec leur immense capacité de calcul, avec leur grande vitesse, leur adaptabilité, leur puissance de représentation graphique, les possibilités qu’ils ouvrent aux calculs formels… a ouvert une multitude de nouveaux horizons,

dont l’inspiration n’est plus seulement la physique comme dans les développements des siècles précédents, mais aussi les autres sciences comme l’économie, les sciences de l’organisation, la biologie… dont les problèmes étaient jusqu’à présents opaques en partie à cause de la masse énorme d’informations qu’elles devaient traiter pour pouvoir approcher les intuitions mathématiques valables pour conduire à des processus de résolutions dans ces domaines.

D’un autre côté, l’accent mit sur les algorithmes discrets, utilisés en informatique et dans la modélisation de divers phénomènes par le biais de l’ordinateur, a donné lieu à un glissement des mathématiques actuelles vers le domaine du discret.

Certaines parties de ce domaine sont suffisamment élémentaires pour pouvoir avantageusement faire partie du programme de l’enseignement secondaire. La combinatoire classique, ainsi que ses aspects modernes, comme la théorie des graphes ou la géométrie combinatoire, peuvent être considérés comme de bons candidats. La théorie élémentaire des nombres, qui n’a jamais disparu des programmes de certains pays pourrait en être un autre.

Diverses tentatives ont été réalisées afin d’introduire ces éléments et quelques autres similaires appartenant aux mathématiques discrètes dans l’enseignement mathématique de base. Il advient que cela ne semble possible qu’au sacrifice d’autres portions des mathématiques plus importantes dont on ne voit pas bien comment se passer.

Bien qu’il paraisse assez évident que les mathématiques du futur seront différentes à cause de la présence de l’ordinateur, on ne distingue pas encore clairement comment tout cela va se mettre en place au niveau des contenus de l’enseignement primaire et secondaire.
 
























 
 
 

B / Impacts de méthodes modernes de calcul sur les contenus d’enseignement

Il n’y a pas si longtemps dans nos écoles élémentaires, il fallait apporter une grande énergie et beaucoup de temps à des exercices routiniers comme la division d’un nombre à 6 chiffres par un autre de 4 chiffres, ou l’extraction de racines carrées à la main en s’arrêtant à la 3ième décimale. A un niveau plus élevé, il fallait manipuler avec dextérité et vitesse les tables de logarithmes et leurs différentes interpolations. Aujourd’hui, la présence de la calculatrice de poche nous permet d’être d’accord pour dire que cette énergie et ce temps sont mieux employés à d’autres activités. De telles opérations sont intéressantes en tant qu’algorithmes intelligents et profonds mais pour la virtuosité routinière, ils sont superflus.

Actuellement, dans le secondaire et dans les premières années de l’enseignement universitaire nous utilisons beaucoup de temps et d’énergie pour que nos élèves acquièrent une certaine adresse dans le calcul des dérivés, des primitives, dans la résolution de systèmes linéaires, le produit de matrices, la représentation graphique de fonctions… Toutes ces compétences sont incorporées avec de nombreuses autres beaucoup plus sophistiquées dans nos programmes actuels de calculs formels.

In fine, il est clair que notre enseignement du calcul, de l’algèbre, de la probabilité et des statistiques, doit se reporter dans le futur vers des sentiers distincts de ceux que nous suivons aujourd’hui.

Il faudra mettre l’accent sur la compréhension et l’interprétation de ce que l’on est en train de faire, en revanche, l’énergie utilisée à augmenter son agilité dans des actions que la machine réalisent mieux et plus vite sera superflue.

Dans la constitution des programmes d’enseignement nous devrons nous interroger en permanence, sur ce qui vaut la peine d’appliquer l’effort d’intelligence et sur ce que nous pouvons confier aux machines.

Le progrès de l’intelligence humaine consiste finalement à convertir en routine des opérations qui au départ représentaient un véritable défi mental, et lorsque c’est possible confier la réalisation de telles routines à des machines. C’est à ce prix que nous pouvons libérer la plus grande partie de notre capacité mentale à la résolution des problèmes qui sont encore trop profonds pour les outils dont nous disposons. N’ayez crainte que la source de ce type de problèmes ne se tarisse un jour !
 
























 
 
 

C / Un retour vers la pensée géométrique et l’intuition spatiale

Le courant des maths modernes s’est rendu coupable d’un abandon injustifié de la géométrie intuitive dans nos programmes. En réaction à cela on considère aujourd’hui comme une nécessité incontournable d’un point de vue didactique, scientifique, historique, de retrouver le contenu spatial et intuitif dans toutes les mathématiques, et non plus seulement en ce qui concerne la géométrie.

A l’évidence, depuis une quarantaine d’années, la pensée géométrique traverse une profonde dépression dans l’enseignement mathématique de base, primaire et secondaire. En parlant de la pensée géométrique je ne me réfère pas à l’enseignement de la géométrie globalement basé sur les « Eléments » d’Euclide, mais à quelque chose de beaucoup plus profond et élémentaire encore qui se trouve être la mise en culture de cette « région » des mathématiques, inspirée par la capacité de l’homme à explorer rationnellement l’espace physique dans lequel il vit, et à la fois soucieuse de stimuler cette même capacité.

Il suffit de jeter un coup d’œil sur nos manuels scolaires et les programmes de notre enseignement primaire et secondaire pour constater cette situation qui n’est pas une particularité chez nous. En réalité, il s’agit d’un phénomène universel qui est dû à mon avis dans une large mesure, à l’évolution même des mathématiques depuis le début du XXième siècle approximativement.

La crise des fondements a poussé les mathématiciens vers le formalisme, la rigueur, un certain abandon de l’intuition dans la construction de la science. Ce qui fut efficace pour le fondement de la science, fut considéré également comme intéressant pour la transmission des connaissances.

Dans notre enseignement élémentaire actuel, on ne trouve pas le moindre écho de toutes ces matières dont la profondeur se manifeste pourtant de plus en plus clairement. Elles sont seulement prises en compte au niveau supérieur de l’enseignement et à celui des mathématiques récréatives. Mais cette mathématique récréative n’a pas encore trouvé dans nos contrées le chemin de l’école. Paradoxalement, nous interdisons le jeu à ceux qui en tireraient le plus de plaisir et de bénéfice.

Tout le monde semble aujourd’hui d’accord sur la nécessité d’un retour de l’esprit géométrique au niveau de l’enseignement des maths. En revanche, la façon de mener à bien ce retour n’est pas très claire.

Il convient d’éviter les extrêmes déjà rencontrés par exemple dans l’introduction de la géométrie du triangle qui fut en vogue à la fin du XIXième.

Il faut aussi éviter une introduction soutenue rigoureusement par une géométrie axiomatique.

Une orientation saine pourrait consister à établir une base d’opérations à travers quelques principes intuitivement évidents à partir desquels on pourrait soulever les développements locaux intéressants de la géométrie métrique classique, choisis sur leur beauté et leur profondeur. Les œuvres élémentaires de Coxeter pourraient être un exemple à suivre sur ce terrain.
























 
 
 

D / Domaine de la pensée aléatoire, probabilités et statistique

Les probabilités et la statistique sont des composantes très importantes de notre culture et possèdent des applications dans de nombreuses sciences spécifiques. Elles devraient constituer une part importante du bagage culturel de base du citoyen de notre société.

Tous les systèmes éducatifs semblent s’accorder sur ce point. Effectivement, nombreux sont les pays qui incluent dans leur programme d’enseignement secondaire ces matières. En revanche il y en a peu où cet enseignement est mené à bien avec l’efficacité souhaitée. En Espagne, je crois que ce phénomène est dû en partie à la difficulté même de la matière en question, mais aussi à une certaine carence en formation adaptée des professeurs pour cette tâche. Peut-être nous manque t’il de bons modèles de leur enseignement.