III - CHANGEMENTS SOUHAITABLES DANS LES PRINCIPES METHODOLOGIQUES

Au vu des tendances générales pointées dans le paragraphe précédent, on peut citer quelques principes méthodologiques qui pourraient guider notre enseignement de manière adaptée.

A) Une acquisition des processus typiques de la pensée mathématique.

B) La modélisation mathématique de la réalité

C) L’HEURISTIQUE (« PROBLEM SOLVING ») dans l’enseignement des maths

D) Du rôle de l’Histoire dans le processus de formation du mathématicien.

E) De l’utilisation de l’histoire dans l’enseignement mathématique

F) La modélisation et les applications dans l’enseignement des mathématiques.

G) Le rôle du jeu dans l’enseignement des mathématiques.

H) Importance actuelle de la motivation et de la présentation

I) Engouement pour les mathématiques
























 
 

A) Une acquisition des processus typiques de la pensée mathématique :

Quelle forme doit prendre le processus d’apprentissage mathématique à n’importe quel niveau ?
Une forme semblable à celle que l’homme a suivi lors de sa création des idées mathématiques, une forme similaire à celle que le mathématicien professionnel utilise lorsqu’il affronte le problème de la mathématisation, de la parcelle de réalité dont il s’occupe.

Il s’agit en premier lieu de se mettre en contact avec la réalité mathématisable qui a donné lieu aux concepts mathématiques que nous voulons explorer avec nos élèves.

Pour cela, nous avons intérêt à connaître à fond le contexte historique qui sert de cadre à ces concepts. Pour quelles raisons la communauté mathématique s’est elle occupée à un certain moment avec insistance d’un certain thème et en a t’elle fait le véritable centre de son exploration parfois sur une période de plusieurs siècles ?

Il est extrêmement utile d’essayer d’observer une situation avec la même perplexité que les mathématiciens de l’époque l’avaient contemplée. La présentation qui nous est faite dans de nombreux manuels ressemble trop souvent à un roman policier qui serait raconté à l’envers et donc sans intérêt. La même histoire racontée à l’endroit pourrait être véritablement passionnante.

Normalement, l’histoire nous donne un magnifique cadre pour les différents thèmes, les problèmes qui ont fait surgir les concepts importants dans la matière, elle nous donne aussi un éclairage sur les raisons qui ont conduit l’homme à s’en occuper avec intérêt. Si nous connaissons l’évolution des idées dont nous prétendons nous occuper, nous saurons alors parfaitement la place qu’elles occupent dans leurs différentes conséquences, applications intéressantes qu’elles ont pu apporter, et nous pourrons faire le point sur les diverses théories qui ont pu en dériver.
























 



B/ La modélisation mathématique de la réalité

Il peut aussi arriver que l’approche initiale d’un concept mathématique se fasse dans le cadre d’une tentative directe de modélisation de la réalité, dans laquelle le professeur sait pertinemment que les structures mathématiques en question doivent forcèmment apparaître.

On peut faire appel pour cela, aux autres sciences qui font usage des mathématiques, à des situations de la réalité quotidienne, ou à la présentation de jeux stratégiques dont il n’est pas rare, tout au long de l’histoire, de voir surgir des idées mathématiques de grande profondeur.

Placés avec nos élèves dans les situations-problèmes qui ont engendré les idées dont nous souhaitons nous occuper, nous devons encourager la recherche autonome, la découverte personnelle, à la fois des structures mathématiques simples et des solutions aux problèmes intéressants en relation avec elles qui surgissent de manière naturelle.

Bien sûr, nous ne pouvons espérer que nos élèves découvrent en deux semaines ce que l’humanité a élaboré sur plusieurs siècles de travail intensif de la part des esprits les plus brillants de l’époque…

Cependant, une recherche guidée, qui préserve le plaisir de la découverte, qui privilégie la détection de techniques concrètes, de stratégies utiles de la pensée, est un objectif réaliste de l’enseignement et de l’apprentissage de notre discipline.

Ainsi conçue, la théorie retrouve tout son sens, pleinement motivée, elle est beaucoup plus assimilable. Son application à la résolution de problèmes, qui auraient pu paraître inaccessible autrement, peut devenir une véritable source de satisfaction et de plaisir intellectuel, d’étonnement devant la puissance de la pensée mathématique, et finalement d’attirance envers les mathématiques.

























 
 

C/ L’HEURISTIQUE (« PROBLEM SOLVING ») dans l’enseignement des maths  :

L’enseignement par la résolution de problèmes est actuellement la méthode la plus souvent évoquée pour mettre en pratique le principe général d’un apprentissage actif et de « mise en culture » mentionné plus haut. Au fond, l’objectif est de transmettre de manière systématique les cheminements de pensée efficaces à la résolution de véritables problèmes.

Un véritable problème revient schématiquement à se trouver dans une situation, à vouloir en atteindre une autre, parfois bien connue, parfois plus vaguement, et ne pas connaître le trajet…

Nos manuels en général débordent d’exercices mais manquent cruellement de véritables problèmes.

L’apparence est parfois trompeuse : Les exercices aussi se présentent souvent comme un trajet entre deux situations ( déterminer le coefficient de x7 dans le développement de (1+x)32…). Mais si cette activité, qui fut un véritable problème pour les algébristes du XVIème siècle, se trouve comme c’est généralement le cas, à la fin d’un châpitre, sur le binôme de Newton, il ne constitue plus, en aucune façon, un défi. L’élève connaît bien le chemin, il est tout tracé. S’il n’arrive pas à résoudre un tel problème, il sait déjà que tout ce qu’il a à faire c’est de réviser sa leçon avant.

L’enseignement par la résolution des problèmes met l’accent sur les cheminement de la pensée, sur les processus d’apprentissage et il prend les contenus mathématiques, dont la valeur ne doit pas du tout être mise de côté, comme un champ d’opération privilégié dans cette tâche de prise de contact avec les formes de pensée efficaces.

Il s’agit de considérer que les points les plus importants sont :

Quels sont les avantages de ce type d’enseignement ?
A quoi bon se fatiguer à obtenir de tels objectifs ?

Je rassemble ici quelques arguments intéressants :

Où est la nouveauté ? N’a ton pas toujours appris à résoudre des problèmes dans le cours de mathématiques ?

Il est possible que les bons enseignants de tous les temps aient utilisé de manière spontanée les méthodes que nous préconisons ici.

Mais, ce que l’on a vu faire traditionnellement par une bonne partie de nos enseignants peut se résumer dans les phases suivantes :

Exposition de contenus - exemples - exercices faciles - exercices plus difficiles - problèmes… ?

La présentation d’un thème mathématique basé dans l’esprit de la résolution de problèmes devrait plus ou moins procéder de la manière suivante :

D’après moi, cette méthode d’enseignement par la résolution des problèmes présente quelques difficultés qui ne semblent pas encore résolues de manière satisfaisante dans l’esprit de certains professeurs surtout en ce qui concerne la façon de la mettre en pratique. Il s’agit d’harmoniser de manière adéquate les deux composantes qui la constitue, la composante heuristique c’est à dire l’attention portée au cheminement de pensée, et celle des contenus spécifiques de la pensée mathématique.

Il me semble qu’il existe dans la littérature actuelle bon nombre d’écrits dont l’aspect principal est centré sur le côté heuristique mis en pratique dans des contextes divers, certains purement ludiques, d’autres plus mathématiques. Certaines de ces œuvres réalisent à la perfection, à mon avis , leur objectif de transmettre, dans l’esprit même, l’attitude de résolution de problèmes.

En revanche, je crois qu’il n’y a pas encore eu de tentatives sérieuses et soutenues à produire des œuvres qui appliquent l’esprit de la résolution de problèmes à la transmission des contenus mathématiques de différents niveaux que nous estimons aujourd’hui devoir être présents dans notre enseignement.

Ce qui arrive souvent à des professeurs convaincus du bien fondé des objectifs relatifs à la transmission des cheminements de pensée, c’est qu’ils vivent une espèce schizophrénie, peut être par manque de modèles adéquats, entre les deux pôles de leur enseignement, les contenus et les procédés.

Le vendredi par exemple, ils mettent l’accent sur des cheminements de pensée dans le cadre de situations qui n'ont rien à voir avec les programmes de maths, et les autres jours de la semaine, ils vont s’appliquer avec leurs élèves à voir et revoir les contenus du programme sans se rappeler à aucun moment, ce qu’ils ont fait le vendredi précédent.

Il serait éminemment nécessaire que surgissent des modèles, fussent ils partiels, qui intègrent de manière harmonieuse les deux aspects de notre enseignement.

De toute façon, on peut probablement affirmer que celui qui est complètement imprégné de cette esprit de résolution de problème affrontera de manière plus adaptée sa tâche de transmission des contenus.

























 
 
 

D/ Du rôle de l’Histoire dans le processus de formation du mathématicien.
 

De mon point de vue, une certaine connaissance de l’histoire des mathématiques devrait faire partie du bagage indispensable du mathématicien en général et du professeur en particulier, quelque soit le niveau auquel il enseigne.

Non seulement pour l’utiliser comme un moyen, un instrument dans son propre enseignement, mais de manière plus élémentaire parce que l’histoire peut lui apporter une vision véritablement humaine de la science et des mathématiques, vision dont le mathématicien éprouve parfois un grand besoin.

Le point de vue historique transformes de simples faits ou découvertes sans âme en fragments de connaissances recherchés avec passion en de nombreuses occasions par des êtres de chair et de sang qui ont ressenti une joie immense en vivant cela.

Combien de ces théorèmes rencontrés dans le cadres de nos études, et qui nous ont alors semblé des vérités sorties de l’ombre pour se diriger vers le néant, ont changé d’aspect dès lors que nous sommes allés plus avant dans la théorie en envisageant son contexte historique…

La perspective historique nous rapproche des mathématiques comme science HUMAINE, démystifiée, avançant parfois à grand peine, se trompant même en diverses occasions, mais capable de corriger ses erreurs. Elle nous rapproche des personnalités des hommes qui l’ont fait progresser au cours des siècles, avec des motivations distinctes.

Au niveau de la connaissance approfondie des mathématiques elles-mêmes, l’histoire nous procure un cadre dans lequel les éléments apparaissent dans leur véritable perspective. Cela représente un enrichissement important, aussi bien pour le mathématicien « praticien » que pour celui qui enseigne.

Si chaque élément de connaissance mathématique de nos manuels se voyait affecter un numéro de siècle (en tolérant une large approximation), on verrait les numéros sauter de manière folle, parfois dans une même page ou un même paragraphe. Les ensembles, les nombres naturels, les systèmes de numération, les nombres rationnels, réels, complexes,… des dizaines de siècles d’écart, en arrière, en avant, de nouveau en arrière… c’est vertigineux !

Il ne s’agit pas de faire prendre conscience à nos élèves de toutes les circonstances. L’ordre logique n’est pas forcément l’ordre historique, et l’ordre didactique idéal ne coïncide peut-être avec aucun des deux, mais le professeur devrait savoir comment les choses sont survenues pour :
 

  • Mieux comprendre les difficultés de l’homme en général à élaborer les idées mathémathiques, et à travers cela les difficultés de ses propres élèves…
  • Mieux comprendre l’enchaînement des idées, leur filiation, leurs motivations et les variations de la symphonie mathématique…
  • Utiliser ce savoir comme un guide fiable pour sa propre pédagogie.

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    La connaissance de l’histoire donne une vision dynamique de l’évolution des mathématiques.
    On peut repérer la motivation des idées et de leurs développements à leur naissance.
    C’est là que l’on peut chercher des idées originales dans toute leur simplicité, encore habitées par le sens de l’aventure que l’on fait trop souvent disparaître dans les manuels… Comme dit avec justesse O.Toeplitz :

    « Pour ce qui concerne tous les thèmes de base du calcul infinitésimal, théorème de la moyenne, série de Taylor,… on ne pose jamais la question Pourquoi précisément comme cela ? ou bien Comment en est-on arrivé là ? Pourtant ces questions ont dû objectivement être source d’une intense recherche… Si nous retournions à l’origine de ces idées, elles perdraient cette apparence de mort et de faits disséqués et retrouveraient une vie fraîche et motivante. »
     

    Une telle vision dynamique nous donnerait les moyens pour remplir différentes tâches intéressantes dans notre travail éducatif :

  • La possibilité d’extrapolation vers le futur,
  • L’immersion créative dans les difficultés du passé,
  • Mise en évidence du caractère tortueux des chemins de l’invention, avec la perception de l’ambiguïté, de l’obscurité, des confusions initiales…

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    Par ailleurs, la connaissance de l’histoire des maths et de la biographie de ses créateurs les plus importants nous rend pleinement conscient du caractère profondément historique, c’est à dire dépendant du moment et des circonstances sociales environnementales…

    Ainsi que des impacts mutuels et forts que la culture en général, la philosophie, les mathématiques, la technologie, les diverses sciences ont exercées les unes sur les autres.

    Ce dernier aspect, les mathématiciens eux-mêmes enfermés dans leur travail technique n’en sont pas toujours conscients, et cela à cause de la forme dans laquelle les mathématiques leur sont présentées, comme si elles étaient à l’abri des avatars de l’histoire.

    Malheureusement, aussi bien pour l’étudiant qui veut se plonger dans la recherche mathématique, comme pour celui qui voudrait se consacrer à ses applications à l’enseignement, l’histoire des maths est généralement totalement absente de la formation universitaire.

    A mon sens, il y aurait un extraordinaire intérêt à ce que les différentes matières que nous enseignons se complètent de leur aspect historique, comme je l’ai dit plus haut, et que tous nos étudiants reçoivent au moins un bref panorama global du développement historique de la science qui va les occuper toute leur vie.



























     
     
     

    E/ De l’utilisation de l’histoire dans l’enseignement mathématique

    L’intérêt de la connaissance historique ne consiste pas de disposer d’une batterie de petites histoires et d’anecdotes curieuses qui servent d’interludes à nos élèves.

    L’histoire peut et doit être utilisée par exemple, pour comprendre et faire comprendre une idée compliquée de la manière la plus appropriée.

    Celui qui n’a pas la moindre idée des méandres que la pensée mathématique a dû parcourir dans le cas par exemple, de la notion de nombres complexes, pourra se sentir en droit d’introduire dans son enseignement les complexes comme « l’ensemble des couples de nombres réels sur lesquels ont établi les opérations suivantes… »

    En revanche, celui qui saura que ni Euler ni Gauss ne sont parvenus à donner une telle rigueur aux nombres complexes et qu’ils ont pu malgré tout faire des choses merveilleuses en relation avec eux, s’interrogera très sérieusement sur la pertinence à essayer d’introduire les complexes dans leur structure cristallisée, anti-naturelle et difficile à avaler qu’ils ont obtenu après plusieurs siècles de travail.

    Les différentes méthodes de la pensée mathématique, comme l’induction, la pensée algébrique, la géométrie analytique, le calcul infinitésimale, la topologie, les probabilités… ont surgi dans des circonstances historiques très intéressantes et très singulières, souvent dans l’esprit de penseurs très particuliers, dont il est très utile de rappeler les mérites, moins par souci de justice que par leur exemplarité.

    L’histoire devrait être un outil important pour des objectifs comme :
     

  • Mettre en évidence le mode d’apparition très singulier des idées en mathématiques,
  • Mettre dans un cadre temporel et spatial les grandes idées, les grands problèmes, en relation avec leurs motivations et leur antécédents,
  • Signaler les problèmes ouverts de chaque époque, leur évolution, la situation dans laquelle ils se trouvent actuellement,

  • Pointer les connexions historiques des mathématiques avec les autres sciences, c’est de cette interaction que sont nées de nombreuses idées importantes.
























     

    F/ La modélisation et les applications dans l’enseignement des mathématiques.

    Actuellement, il existe un fort courant soutenant que l’apprentissage des mathématiques doit être réalisé non pas en explorant directement les constructions mathématiques en elles-mêmes, dans les diverses structures qui se sont cristallisées au cours des siècles, mais plutôt dans un contact permanent avec les situations du monde réel qui leur ont donné et qui continuent à leur donner leur motivation et leur vitalité.

    Ce courant est en parfaite consonance avec les idées que j’ai développées précédemment et me semble en être un corollaire naturel.

    Comme nous l’avons vu, les mathématiques voient leur origine dans dans une tentative d’exploration, dans un mode très particulier, les différentes structures complexes qui s’y prêtent. Le création du mathématicien se réalise spontanément dans cet effort pour dominer les aspects mathématisables de la réalité.

    L’enseignement devrait donc se donner comme objectif principal la « mise en culture », en essayant d’apporter à la jeunesse de notre société cet esprit mathématique.

    Il me semble évident que, si nous limitions notre enseignement à une simple présentation des résultats qui constituent l’édifice purement théorique qui s’est développé, en laissant de côté son origine dans les problèmes que la réalité présente et ses applications pour résoudre de nouveaux problèmes, nous cacherions une part très importante et substantielle de ce que les mathématiques sont en réalité. Sans compter que nous nous passerions, par la même occasion, du pouvoir de motivation que la modélisation et les applications représentent…

























     
     
     

    G/ Le rôle du jeu dans l’enseignement des mathématiques.

    De tous temps, l’activité mathématique a comporté une composante ludique. Elle a donné lieu a une bonne part des découvertes les plus importantes …
     

    Si le jeu et les mathématiques possèdent dans leur nature propre autant de points communs, il n’est pas moins vrai qu’ils participent l’un et l’autre des mêmes caractéristiques en ce qui concerne leur pratique.

    Cela est particulièrement intéressant lorsque nous recherchons les méthodes les plus appropriées pour transmettre à nos élèves l’intérêt profond et l’enthousiasme que les mathématiques peuvent engendrer et pour amener une première familiarisation avec les processus usuels de l’activité mathématique…

    Un jeu commence par l’introduction d’une série de règles, d’un certain nombre d’objets ou pièces dont la fonction dans le jeu est définie par les règles, en procédant exactement de la même manière que l’on établit une théorie axiomatique par définition implicite : « On se donne trois systèmes d’objets. Les objets du premier système seront appelés points, ceux du second système seront appelés droites… »(HILBERT, Grundlagen der Geometrie).

    Qui veut être initié à la pratique d’un jeu doit d’abord se familiariser avec ses règles, mettre les pièces en relation les unes avec les autres, tout comme le débutant en mathématiques compare et fait interagir les premiers éléments de la théorie les uns avec les autres. Ce sont là les exercices élémentaires d’un jeu ou d’une théorie mathématique.

    Qui veut aller plus loin dans la maîtrise du jeu acquiert progressivement quelques techniques simples qui, dans des circonstances répétitives, ont conduit au succès. Nous avons là les premiers résultats et lemmes de base de la théorie qui se rendent facilement accessibles dès la première familiarisation avec des problèmes simples…

    Une exploration plus approfondie du jeu et un vécu plus important procurent la connaissance des chemins particuliers qu’ont utilisé ceux qui ont été les plus grands maîtres du jeu. Ce sont là les stratégies d’un niveau plus complexe qui ont nécessité une intuition spéciale dans la mesure où elles se trouvent parfois très éloignées des éléments initiaux du jeu. Cela correspond en mathématiques à la phase dans laquelle l’étudiant essaie d’assimiler et de s’approprier les grands théorèmes et méthodes qui ont été créés au cours de l’histoire. Ce sont les procédés des esprits les plus créatifs qui sont maintenant à sa disposition afin qu’il les utilise dans des situations plus confuses et délicates.

    Plus tard, dans des jeux plus sophistiqués, où la réserve de problèmes ne se tarie jamais, le joueur expert, essaie de résoudre de manière originale des situations du jeu qui n’ont jamais été explorées auparavant. Cela correspond à la confrontation en mathématique avec les problèmes ouverts de la théorie.

    Finalement, peu nombreux sont les gens capables de créer de nouveaux jeux, riches en idées intéressantes et en situations pouvant motiver des stratégies et des techniques de jeux novatrices. C’est là le parallèle à la création de nouvelles théories mathématiques, fertiles en idées et problèmes, et comportant des applications permettant de résoudre de nouveaux problèmes ouverts en mathématique et de révéler des niveaux de la réalité plus profonds qui jusqu’alors étaient restés dans l’ombre.

    Les mathématiques et le jeu ont vu leurs chemins se croiser très fréquemment au cours des siècles. C’est souvent que dans l’histoire des mathématiques l’apparition d’une observation ingénieuse, faite sur un mode ludique, a conduit à de nouvelles formes de la pensée. Dans l’antiquité, on peut citer le « I ching » comme l’une des origines de la pensée combinatoire, et à une époque plus moderne on peut citer les Fibonacci, Cardan, Fermat, Pascal, Leibniz, Euler, Daniel Bernoulli…

    Sur l’intérêt des jeux pour éveiller l’attention des étudiants, Martin Gardner s’est exprimé avec pertinence. Il est un des grands experts de notre temps sur la présentation lucide, intéressante et profonde de nombreux jeux depuis des années dans ses colonnes de la revue américaine « Scientific American » : «assurément, le meilleur moyen pour réveiller un étudiant, consiste à lui offrir un jeu à intrigue, puzzle, casse-tête, blague, paradoxe, avec un habillage mathématique où n’importe laquelle parmi la vingtaine de choses que les professeurs ennuyeux tendent à éviter parce qu’elles paraissent frivoles » (Carnaval mathématique, Prologue).
     

    Les mathématiques sont un grand jeu sophistiqué qui de plus et simultanément possèdent également les caractéristiques d’une œuvre d’art intellectuelle, procurent une lumière intense dans l’exploration de l’univers et comportent de grandes répercussions pratiques.

    Comme nous l’avons vu plus haut, on peut utiliser avantageusement ses applications, son histoire, ses relations avec la philosophie ou les autres aspects de l’esprit humain, mais peut être aucun de ces moyens ne peut transmettre l’état d’esprit idéal pour faire des mathématiques, mieux qu’un jeu bien choisi.



























     
     

    H/ Importance actuelle de la motivation et de la présentation

    Nos élèves se trouvent de nos jours dans un bombardement intense, de techniques de communications particulièrement puissantes et attirantes. Dans notre enseignement lorsque nous cherchons à capter une part substantielle de leur attention, c’est à une forte concurrence que nous nous opposons. Il faut que nous prenions en compte en permanence et que notre système éducatif essaie d’exploiter à fond des outils comme : la vidéo, la télévision, la radio, le journal, la bande dessinée, l’illustration, la participation directe…

    Je pense que nous sommes encore bien loin de profiter au mieux dans notre enseignement des possibilités que nous ouvrent les moyens techniques dont nous disposons déjà.

    Je donnerai une simple suggestion pratique à titre d’exemple : nous connaissons tous autour de nous des enseignants très bien préparés à servir d’exemple pour l’enseignement de certains thèmes qui sont pour la plupart d’entre nous de véritables casse-têtes, les probabilités par exemple.

    Ces professeurs sont souvent appelés dans des lieux différents pour répéter les mêmes idées sur le même thème. Ne serait-il pas beaucoup plus efficace et moins coûteux qu’un organisme quelconque qui ne serait pas en recherche d’un profit économique, produise une série de cassettes vidéo et les rende accessibles à un plus grand nombre de personnes?

























     
     
     

    I/ Engouement pour les mathématiques

    L’activité physique est un plaisir pour une personne en bonne santé. L’activité intellectuelle aussi. Les mathématiques, orientées comme un savoir faire autonome, avec un guide adapté, est un exercice attirant. De fait, bon nombre d’enfants très jeunes sont initiés de manière agréable par des activités et des manipulations qui constituent un départ raisonnable à la connaissance mathématique.

    Ce qui se produit souvent, c’est que quelque temps après, notre système n’a pas su maintenir cet intérêt et a noyé par des abstractions injustifiées et à contre temps le développement mathématique de l’enfant.

    Le goût pour la découverte en mathématique est possible et fortement motivant pour dépasser les autres aspects plus routiniers (qui restent indispensables) de son apprentissage.

    La prise en compte des applications possibles de la pensée mathématique dans les autres sciences et dans la technologie actuelle peut également amener la surprise et le plaisir chez de nombreuses personnes plus intéressées par la pratique.

    D’autres, se sentiront plus émues à contempler les impacts que les mathématiques ont exercé sur l’histoire et la philosophie de l’homme ou devant la biographie de tel ou tel mathématicien célèbre.

    Il faut à tout prix casser l’idée reçue et fortement enracinée dans notre société, probablement issue de blocages au cours de l’enfance de bon nombre d’entre nous, que les mathématiques sont nécessairement ennuyeuses, fermées, inutiles, inhumaines et très difficiles.